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et à chaque minute on s’imaginait voir le père au tournant de la route.

Le médecin ne put que constater le décès de l’enfant, décès qui datait du milieu de la nuit et il adressa de sévères questions à la nourrice. Celle-ci en proie au délire criait qu’on allait la fusiller, qu’elle ne se défendrait pas, elle le méritait bien.

— Elles sont toutes les mêmes, répétait le docteur, homme assez brutal, elles se couchent avec leur bébé sur le sein et le tonnerre ne les réveillerait pas… Il faudra la faire passer aux assises, voilà tout. Celle-là payera pour les autres, si le père ne l’étrangle pas en rentrant !

— Un enfant magnifique ! hurlait Estelle.

Madame Corcette, revenue à elle, ne voulut pas supporter ce spectacle, elle sortit du chalet afin de s’emparer du père dès qu’il descendrait de cheval. Mais Mary ne lui laissa pas le temps d’exécuter son projet, elle se lança la première à la bride de Triton.

— Papa, s’écria-t-elle avec un accent intraduisible, tu n’as plus que ta petite fille à aimer sur terre… Papa, pardonne-moi la peine que je te fais… Célestin est parti.

Elle disait parti comme on le lui avait dit pour Siroco, pensant que ce mot atténuerait le coup. Daniel Barbe chancelait, ne comprenant plus rien, car c’était le tour de madame Corcette qui lui jurait une affection éternelle, le suppliant de ne pas entrer au chalet tout de suite… Puis elle l’embrassa, lui prodiguant des noms tendres et des caresses folles.