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presque plus, et le calme s’étendait lentement dans la chambre, calme qui serait éternel si elle le voulait, car elle n’avait qu’à se taire pour laisser l’écrasement s’accomplir. Elle veillait toute seule ! Personne n’entrerait avant le jour, et la nourrice ne se douterait jamais qu’elle était restée là. Mary fit encore un pas, les petits pieds ne s’agitaient plus que par faibles secousses, ils devenaient peu à peu d’une teinte violette et l’on n’entendait plus le bruit rauque. Mary eut un rire silencieux, ses yeux superbes lancèrent un éclair de haine.

— Toi, murmura-t-elle, tu as fini de pleurer !

Elle gagna la porte, sortit sans hésitation et revint dans sa chambre où elle se coucha, le visage tourné du côté du mur. Une heure après elle dormait, un sourire aux lèvres, du sommeil des innocents !

Ce matin-là, on se leva très tard chez le colonel Barbe. Estelle bâillait à se décrocher les mâchoires en descendant aux cuisines ; mademoiselle Tulotte, honteuse de se retrouver en grande toilette de soirée sur son traversin, ne savait trop comment s’expliquer la chose d’une façon décente. Elle passa une robe de chambre, but un verre d’eau, et s’en prit à Mary qui faisait sa prière à genoux devant son lit.

— Espèce de marmotteuse ! gronda-t-elle.

Armée d’un peigne, elle arrangea les cheveux noirs de son élève tout en la bourrant de ses préceptes.

— Il faudra pourtant que tu apprennes à te peigner ! Quand tu seras une femme, t’imagines-tu que je te servirai de coiffeur ?… Tu pourras le