Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/171

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui commence son antienne !… Te tairas-tu ? méchant cœur… Estelle, fouettez-la donc de ma part.

Tulotte renversée sur son lit faisait des gestes effrayants, mais ne bougeait pas ses jambes qu’elle sentait molles comme des jambes de coton.

— Que je t’y pince, mauvaise gale, à te plaindre de moi au chef ! Oui, nous nous préparons pour les guerres futures, Daniel !… Là-bas sous le clocher de Sainte-Colombe ! Une propre vie !… Et il a bientôt soixante ans, ce cher frère… je ne lui pardonne pas ça !… J’aimerais mieux le voir lever le coude ; ça c’est plus moral au moins ! et quand on a une fille en âge de s’expliquer !…

Mary, saisie de peur, avait repris ses vêtements. Cette fois-ci Tulotte devait être en effet bien malade, car jamais Mary ne lui avait remarqué une pareille figure, elle grinçait des dents, hochait tout d’un coup le front, et, au fond de cette ombre, elle ressemblait à une moribonde qui n’en finirait pas de mourir.

— Voulez-vous que j’appelle Estelle ? demanda la petite, n’osant plus la tutoyer.

— Avec un peu de fleur d’orange… sur un morceau de sucre, n’est-ce pas ? Il ne m’en faut pas, moi, des douceurs. Une institutrice de ma trempe ne devrait pas être à la merci de ce coco… J’ai bien envie de le lâcher, quelque beau soir, pour aller dans une famille plus noble ! Vois-tu, Estelle, je pouvais me marier, j’ai mieux aimé faire le bon-