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Le capitaine Corcette eut, pendant l’hiver, de l’avancement, on le nomma capitaine instructeur. Il offrit un punch, le colonel rendit un punch, et Tulotte, qui ne se surveillait plus du tout depuis la mort de madame Barbe, but beaucoup à la soirée de son frère, elle but tellement que Mary, en montant se coucher, la rencontra titubant dans les escaliers du chalet.

D’ailleurs, Estelle et la nourrice avaient leur compte de petits verres, elles se battaient dans la cuisine, pendant que le colonel, attendri selon la coutume, répétait plein de sa double dignité de chef de corps et de chef de famille :

« Préparons-nous, mes amis, mes nobles compagnons d’armes, pour la guerre future. Que le 8e soit brillant, très brillant… car la prospérité de ce règne et la grandeur de la France… oui, Messieurs… la bonne tenue de nos hommes, la santé de nos chevaux… Messieurs, je vous l’affirme… »

La chambre de Mary se trouvait dans le pavillon du chalet, sous les toits. Quand il faisait très froid on y grelottait, mais cependant elle était traversée par le tuyau du poêle qu’on avait installé chez son frère et ce tuyau représentait une complaisance de la cousine Tulotte. Il aurait pu passer ailleurs, car les enfants, dès qu’ils sont en âge de lire, ne doivent pas se chauffer, c’est malsain pour eux. Mary, d’un tempérament particulier, avait toujours froid ; quand elle se couchait, elle prenait ses pieds dans ses mains sans réussir à les réchauffer, puis elle