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quand tu restes à la maison. Il te faut de l’exercice, tu deviendrais bossue si on t’écoutais. Ah ! tu es une fameuse momie !

L’idée fixe de la cousine Tulotte était que les enfants deviennent bossus lorsqu’ils annoncent des goûts sédentaires. Elle avait la plus triste opinion de cette petite Mary qui demeurait des journées entières à rêver dans les coins noirs, la chatte de la cuisinière sur les bras, berçant la bête avec un refrain monotone et pensant on ne savait quoi de mauvais.

Mary s’arrêta prise de colère.

— Non, je ne veux plus ! répéta-telle en enfonçant ses ongles dans le poignet de la cousine.

Celle-ci fit un haut-le-corps d’indignation.

— La voilà qui me griffe, à présent !… fit-elle, et, si elle n’avait pas tenu de l’autre main une boîte au lait, elle eût vigoureusement corrigé l’irascible créature.

― Je le dirai à ton père ! s’écria la cousine Tulotte.

Puis, sentant que l’enfant allait se révolter, selon sa méthode ordinaire, c’est-à-dire qu’elle n’ajouterait pas un mot, pas une larme, et qu’elle n’avancerait pourtant pas davantage, elle l’emporta. Mary eut un rire silencieux. Ce rire plissa d’une façon très singulière sa petite figure ; il signifiait peut-être que l’enfant connaissait déjà la valeur d’une égratignure faite à propos.

Le chemin que prenaient presque tous les jours,