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Devant eux roulaient en fureur les eaux du Rhône. Sur l’autre rive, la ville s’estompait dans l’ombre ; il faisait chaud, de plus en plus chaud, et on aurait dit que le soleil de la journée avait fait bouillir le paysage ; une vapeur s’échappait de la foire lointaine pour monter vers le ciel qu’elle rendait noir.

Un grondement sourd venait de l’horizon, où s’allumait une étoile si tremblotante qu’on croyait la voir s’éteindre à chaque seconde, comme la lueur d’une bougie.

— Est-ce qu’il va faire de l’orage ? interrogea Mary, se rapprochant de son ami, presque contente d’avoir peur.

— Je crois, dit mystérieusement Siroco, que c’est mon parrain…

— Ton parrain ? dit la petite fille, ouvrant des yeux étonnés et cherchant sur la route déserte la silhouette d’un homme.

Soudain, un tourbillon de poussière s’éleva jusqu’aux peupliers qui se courbèrent comme de simples épis, un hurlement gronda du Rhône et le vent brûlant dont la Méditerranée fouette le Midi arriva comme une trombe sur la campagne.

— Le siroco ! cria l’enfant trouvé, heureux de pouvoir témoigner enfin d’un acte de naissance.

— Ah ! mon Dieu ! nous allons mourir ! sanglota Mary épouvantée.

Ce vent rugissait en une espèce de beuglement de taureau, puissant et cependant point triste. Il était plein d’on ne savait quelle clameur joyeuse, joyeuse