Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/140

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

madame Barbe et désirait se rattraper tout son saoul. Estelle eut la permission de rire aux éclats dès qu’on lui passa sa livrée de demi-deuil, les ordonnances réintégrèrent la cuisine, mettant la note chaude de leurs pantalons garance dans les fumées du pot-au-feu.

Antoine-Célestin Barbe avait acheté, en s’en allant de Dôle, une partie du mobilier fantastique ; mademoiselle Parnier lui avait cédé, sans trop de répugnance, toutes ces choses sentant la mort, et, par dessus le marché, profanes, pour une somme relativement minime. Dès le déménagement opéré, Tulotte fit emplette d’une drogue étonnante, passa à la teinture les soieries bleu pâle et remeubla la chambre de son frère en un grenat violent sous lequel les tendresses des nuances nuptiales avaient à jamais disparu. Le colonel, qui n’aimait pas les souvenirs douloureux, fut content. Madame Corcette venait de temps en temps pour consoler sa fille adoptive, elle causait avec le père quand les loisirs du service lui permettaient de rester chez lui. Ce fut ainsi que les punitions continuelles du capitaine Corcette s’adoucirent, et que, d’un commun accord, on éloigna Mary, pour laquelle la jeune femme était d’abord une nouvelle mère !

Mary, abandonnée par sa grande amie, se réfugia dans un mutisme farouche, elle ne lui disait même plus bonsoir, indignée de ces brusques revirements des personnes raisonnables.

Mary demeura au chalet quinze jours prisonnière