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— Du temps où j’avais ma maman, on m’apprenait le piano, je portais des robes blanches garnies de rubans, j’avais des chats, des joujoux, des bonbons… et papa n’était pas si maussade. Maintenant, on enlève la lumière de ma chambre, j’ai peur la nuit, ma chambre est toute triste, sans rideaux de soie, mon petit frère casse mes poupées, je n’en ai plus et si je rapporte, Estelle me bat.

— Pourquoi ne le dis-tu pas à ton père ? Un colonel a un fusil et la salle de police, tiens !

— Je lui ai dit une fois, il a grondé tout le monde et alors, le lendemain, Tulotte m’a fait fouetter parce que je rapportais contre elle !

— Il fallait rapporter encore !

— J’ai pas osé… puis, papa ne veut plus me croire… Il est chez madame Corcette ; il a bien autre chose à faire, vois-tu… J’ai entendu dire à Estelle, un jour, que cette dame c’était comme qui dirait ma nouvelle maman sans être ma nouvelle maman, car elle ne veut plus s’amuser avec moi, elle appelle toujours papa au salon.

Siroco se grattait le front.

— Et il lui achète des bouquets… Dis donc, Mary, ça se pourrait qu’il fût amoureux d’elle.

Des feuilles de roses tombant de la voûte s’éparpillèrent sur les deux enfants, ils levèrent les yeux, souriant ; c’était une fleur qui se fanait ; elles tombaient ainsi toutes les unes après les autres sur le gazon, formant des couches odorantes que l’on balayait quand on avait le temps.