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À vrai dire, c’était une merveille aux nuances point suffisamment indiquées, dont la robe toute en chiffon ne se distendait plus. Elle semblait née sous une impression de stupeur ingénue qui la rendait comme tremblante avec des larmes plein ses feuilles.

— Elle est bien jolie ! murmura Siroco.

— On a envie de la manger ! s’exclama Mary pâle d’admiration.

— Mes enfants, allez jouer un moment, Siroco a des vacances en l’honneur de l’Émotion… Oui ! oui ! je vais noter ce trésor et tâcher de lui créer une digne famille. Quand on songe, petits, que j’ai greffé cela sur un Bengale croisé de Chine avec un œil de la Malmaison. Hein !… quelle généalogie !…

Et le bonhomme regagna sa maisonnette où il serrait de gros manuels de jardinage dans une bibliothèque vermoulue.

M. Brifaut, médaillé à tous les concours, avait failli devenir le jardinier d’un prince de Bavière…

On lui achetait des plants de tous les coins de la France, pourtant il avait juste de quoi vivre, et lorsqu’il s’assit à sa table, il coupa un morceau de pain très dur, but un verre d’eau du Rhône, déjeunant ainsi tous les matins après ses laborieux travaux…

Il n’eût pas distrait un centime de ses revenus, son argent était à ses roses bien-aimées, il faisait pour elles des folies comme un Turc en fait pour son sérail.

Siroco, les cheveux ébouriffés, car il avait jeté son chapeau d’un geste de triomphe, se mit à cabrioler par le jardin, suivi de Mary et du chien, qui