Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/117

Cette page a été validée par deux contributeurs.

désolante amertume, avait perdu sa nuance carminée. Les bandeaux aplatis de ses cheveux bruns faisaient ressortir cette pâleur suprême, et pourtant elle n’avait jamais été aussi belle, la pauvre créature.

— Elle dort ? fit Mary se retournant à demi ; et mon petit frère ?

Un frisson courut dans les veines des femmes. Le colonel fit une réponse rauque inintelligible, il sentait que s’il parlait il éclaterait, et il ne voulait pas faiblir une minute : son régiment était là !… l’uniforme lui brûlait la chair, mais il ne devait point le souiller d’une seule larme, dût son cœur se fendre.

— Vous ne l’avez donc pas préparée ? murmura l’aîné des Barbe, le docteur, très ennuyé de l’horrible méprise. Il pesa sur l’épaule de madame Corcette, celle-ci répondit étranglée par les sanglots :

— Je n’en ai pas eu le courage !

Pour éviter une scène atroce, le docteur enleva Mary du tabouret, puis la conduisit dans sa chambre où il n’y avait qu’un berceau, un berceau de dentelles si exigu qu’il ressemblait au berceau des poupées. Un être au visage rougeaud, encore informe, tout plissé, microscopique, vagissait sous ses langes ; un garçon comme on l’avait tant désiré.

— Voici ton frère, dit Antoine Barbe, il se porte bien, j’ai pu le sauver, lui… mais ta pauvre maman est morte…, tuée du coup… Tu ne la reverras plus !

— Morte ! Maman !… cria la petite fille qui eut la