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fut habillée on la descendit dans le break du colonel qui attendait devant la porte, elle n’osa même pas risquer la proposition d’emmener un des chats. Il était six heures du matin, un vent frais piquait la peau. On lui avait fait endosser une vieille robe d’hiver, de velours noir, il lui semblait qu’on allait de nouveau rentrer dans les temps de Noël et que le printemps restait chez les Corcette.

Devant le portail de leur maison, elle aperçut beaucoup de monde, des officiers, des soldats et des gens de la rue qui s’attroupaient ; une draperie noire, lamée d’argent, ornait la voussure de ce portail. Était-ce donc bien étonnant la naissance d’un petit frère ? Cela lui faisait peur.

Dans la cour, une foule de personnes en deuil stationnaient, causant tout bas. On s’écarta pour laisser passer la petite fille et il y eut des hochements de tête douloureux.

Madame Corcette distribuait des saluts tragiques, serrant à la briser la main de Mary, car c’était une rude mission que la sienne, elle commençait à en sentir toute l’importance, regrettant par instant d’avoir laissé ce plumet blanc sur le côté gauche de sa toque.

La chambre de madame Barbe, très obscure, dépouillée de ses tentures bleues, avait repris son aspect de cave, des cierges brûlaient autour du lit à baldaquin qu’on avait mis à la place de l’ancien lit nuptial, en soie pâle. Au chevet, debout dans son plus brillant uniforme, le colonel Barbe se tenait, le