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On se répétait, dans les coins, des histoires navrantes sur le couple si mal assorti des Soirès, tout en envoyant de charmants sourires à l’intéressante nerveuse qui frissonnait devant l’énorme feu du salon, pendant que M. de Sainville, le gommeux spirituel, essayait de la sortir de sa torpeur.

Après tout, murmurait la femme d’un agent de change, fille d’un noble ruiné, il a épousé cette petite pâle et méchante sans lui demander de dot… il est bien libre de l’aimer… car Soirès l’aime, cher comte, il l’aime.

— On ne peut pas gâter une bonne nature ! répondit le cher comte en se mouchant sans bruit. Soirès est la victime innocente de la situation créée par ce jeune monstre… et au monstre, Madame, doit rester le soin de dénouer les drames.

On savait peu de chose mais on avait suffisamment deviné.

À Mme Soirès, épousée sans dot, demeurait l’embarras du cadavre vis-à-vis d’une foule à qui le mari, ce brave homme riche, ne faisait pas peur.

Et les détails inédits pleuvaient.

À quinze ans, Mme Soirès étranglait de jeunes chats pour se distraire ; à seize ans, elle était expulsée de son pensionnat.

À dix-sept, on l’avait mariée à ce pauvre Soirès pour empêcher bien pire. De temps en temps, quand un domestique passait les plateaux remplis de bonbons et de sandwichs, les conversations s’élevaient.

— Il n’y a que cette chère Berthe pour avoir des