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enfin (je me redresse, très digne), enfin des pages immaculées et préparatives…

— Immaculées et préparatives me plaît ! fait M. Monnier en me regardant d’un méchant œil.

Je sens que je perds l’estime de mon éditeur.

Pourtant, trente pages ! sur sa table… comme ça tout de suite… D’ailleurs, c’est mardi, mon jour, les camarades sont là-bas, au moins quelques-uns, devant ma porte avec des nez de mauvaise humeur. Oscar Méténier devait me lire Décadence, une étonnante nouvelle, Jean Lorrain m’offrir Très russe, Louis Tiercelin me communiquer l’Amourette qu’il a l’intention de me dédier, Langlois frères me montrer des portraits exquis, le grand Tanchard m’apporter Les Lèvres roses, Allard, Rouanet, Ajalbert… Mais que dire dans ces trente pages ?… et puis le jeune poète Georges Vanor dont le sourire… ensuite je ne peux pas écrire avec les plumes de M. Monnier, détestables ces plumes ! Il fait trop chaud, la chaise est trop basse, le papier… c’est stupéfiant comme son papier boit !…

« Monsieur Monnier !…

— Comment… vous n’avez pas fini ?

— Hum !… pas encore… si vous me donniez une petite idée… oh ! une idée et du papier qui n’aurait plus soif.

Mon éditeur examine un vieux volume illustré avec un luxe merveilleux, un volume acheté à la vente de la princesse Médiana : Les animaux peints par eux-mêmes… et en me tendant une feuille de demi-chine.

« Parbleu ! faites votre portrait !… tenez là-dessus ! » dit-il sans cesser de caresser du regard le vieux volume… Il aime les belles illustrations polychromes, mon éditeur.

Alors, l’idée n’étant pas de moi, je m’incline et j’ose commencer en ces termes :