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Jean apprit que Mlle Gérond était la fille d’un père très noble, mais ingrat, « indigne des sentiments d’une femme comme elle. » On achevait de manger le produit du fond de teinturerie lyonnaise ; privées de bonne, après avoir connu l’aisance, on sortait ordinairement sans chapeau, on ne recevait jamais de visite, à part celle d’un vieux cousin qui venait partager le poulet du dimanche. D’ailleurs, Mme Gérond ne rougissait pas de sa situation, elle avait su faire élever sa fille dans les « principes d’un honneur entier ».

Jean Soirès promit de s’occuper de la maison de la rue de la Paix, et, une exécrable saveur de Moldavie sur les lèvres, il se retira en jurant de ne jamais remettre les pieds chez la teinturière.

— La peste soit des couleurs ! s’écria-t-il en remontant dans son coupé.

Il croyait, à présent, que le bleu était pour une bonne part dans la beauté de Berthe.

Mais, voici qu’une semaine après ce verre de Moldavie, Jean s’imagina que, bien au contraire, c’était les cheveux paille de Berthe qui faisaient seuls valoir la couleur bleue !

Il fit atteler son coupé, un soir de bal chez Mme de Louelle, et se rendit, 35, rue Vieille-du-Temple. Berthe vint lui ouvrir.

— Maman est sortie, Monsieur, dit la jeune fille avec une moue, si vous voulez l’attendre…

Comment, l’attendre ! Toute la nuit… s’il le fallait.

― Je ne peux pas vous faire entrer au salon, par-