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— Ah ! notre action ! Je savais bien qu’on ne cracherait pas dessus ! Il fallait seulement trouver un amateur ! Voilà du beurre sur notre pain… car j’ai une fille, Monsieur, une demoiselle de dix-sept printemps, sortie depuis peu du couvent de Sainte-Marthe d’Auteuil. Je me propose de l’établir dans la teinturerie, elle tiendra un comptoir.

« Jadis, moi, j’étais teinturière à Lyon, je sais la chimie… En ce moment même, je cherche le moyen de reteindre les velours frappés en deux nuances ! Malheureusement, je n’ai pas eu de mari, et, dans le commerce, cela vous porte préjudice. Alors, je suis venue à Paris où s’élevait ma fille. Je pense que nous nous y enrichirons… avec le secret !… Est-ce que vous savez la chimie ?

Mme Gérond avait quarante-cinq ans, un beau visage vulgaire, un embonpoint appétissant et le geste aussi trivial que possible. Le banquier détirait ses gants sans essayer de placer une syllabe. Ce parvenu se sentait mal à l’aise, la teinture de Mme Gérond le stupéfiait, positivement.

— Si Monsieur voulait monter, je lui offrirais un verre de Moldavie, ajouta Mme Gérond ne se possédant plus de joie.

— Oui, c’est cela !… déclara le juif, dans une jubilation énorme, allez boire un peu de Moldavie ! J’en ai bien bu, moi… Allez, mon cher ami… sans façon !

La veuve se précipita sur cet escalier qui était trop étroit pour deux et elle entraîna Soirès ahuri en répétant :