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ment ; il ouvrait les placards, tirait les draperies, regardait sous le lit, décachetait les lettres, entretenait des mouchards, faisait enfin tout ce que l’homme délicat croit devoir ne pas faire.

D’ailleurs sa grande joie était de permettre la comparaison de temps en temps, comparaison qui tournait à son avantage. Dès qu’on lui parlait des pensées de la femme, de ses aspirations, de son âme, il avait un large rire. Une fois, un monsieur raisonnable, ourdissant un travail sur les jeunes mères, lui fit remarquer, au milieu d’un boudoir, qu’il pouvait bien exister des femmes respectables quoique jeunes et jolies.

— Je suis sain, répondit le don Juan de Cheminade, cela suffit, je pense… le respect est une invention de malade.

Et cette réponse produisit une telle sensation qu’on en parut comme assommé autour de lui.

Ce fut durant un hiver très brillant pour Soirès que se montra la future épousée. Chose étrange, il la rencontra sur le palier sombre d’un cinquième étage et non sur le parquet chatoyant d’un salon. Il faisait quelques spéculations en commun avec un prêteur juif, rue Vieille-du-Temple, et se rendait souvent chez ce personnage qu’il appelait : collègue.

Il essayait, pour le moment, de duper ce juif qui était né à Cologne, parce que, lui, passait pour être très franc, très carré, né à Cheminade enfin, et que personne ne pouvait encore se douter de sa profonde duplicité.