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honnête et on balaye les bureaux… ce qui vous permet d’apercevoir des piles d’or derrière des grilles de fer !

Ce mot or fit luire l’œil fauve de Jean Soirès : Immédiatement, il accepta, sans se représenter l’ignominieux manche du balai qu’il lui faudrait tenir.

— Mélida, répétait le député, se caressant le menton, pauvre fille ! Eh ! eh !… j’étais simple clerc !…

À partir de ce jour de décembre où le feu d’un député vit fondre la neige des bottes d’un colporteur, Jean Soirès devint garçon de banque.

Il entra dans la maison Ronsin et Cie. Il vit des piles d’or derrière des grillages de fer très ouvragés, mais les arabesques ne purent l’empêcher de compter ces pièces, tout en balayant. Bientôt il fut garçon de recette ; alors il les toucha, puis il s’habitua à les compter. Jean Soirès était, d’ailleurs, d’une honnêteté scrupuleuse, c’était son coup de soleil qui avait part dans ses admirations du louis jaune. Il n’avait que dégoût pour les palais hauts, les rues larges, les voitures incessantes et les squares peignés. Cette ville énorme ne vivait réellement pour lui que lorsque, sa sacoche pleine au côté où assis devant un bureau chargé de rouleaux, il sentait son cœur battre tout entier dans le cliquetis du métal. Il savait que tel monument avait rapporté six millions à son constructeur, que telles actions étaient en hausse, et que pour l’entretien del et square on prélevait sur certains fonds 500 francs