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de chouette au cou, et qui se trouvait représenter l’élément pur de la société : une maîtresse de piano enrichie par ses seules leçons ! C’était là un monde comme tous les mondes !… à quelques salons officiels près, ou en exceptant certains boudoirs artistiques dans lesquels on cause sur des tapis qu’on ne décloue jamais. Les hommes étaient mis d’une façon très correcte, les femmes avaient des diamants…

— Tous fous !… bougonna Soirès à l’oreille de Berthe, et pourtant, lui aussi, se mit à regarder le plafond. Dans ce plafond, ovale, nageait un Amour d’une chaste hardiesse, ayant son arc bien placé et ses mollets bien vernis.

Il tressait une couronne d’un air insouciant. Cet Amour était là depuis la construction de l’hôtel.

Berthe alla s’asseoir près du piano. On échangea avec elle une foule de petits signes joyeux et des recommandations de silence.

La séance reprit. Le magnétiseur se donnait un mal extrême. La magnétisée ne voulait pas mordre à l’extase, et il s’agissait de lui procurer l’extase à tout prix.

Maigre, chétive, fille d’un ingénieur qui était mort ruiné, la jeune personne n’avait été introduite chez les Soirès que sous le prétexte de magnétisme. Elle devait sûrement tourner un jour très mal, mais, pour le moment, elle se contentait d’être un jouet nouveau, et son oncle, le vieux général, répondait de sa vertu… Elle ne s’entendait avec personne et