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claquantes. Bien qu’ils n’eussent aperçu que rarement le banquier Soirès chez leur maître, à Paris, ils venaient de le reconnaître tout de suite.

Jean, sans se retourner, se dirigea vers l’escalier.

— Il y a un lit, en haut ? demanda-t-il de sa voix brève et forte.

— Oui, balbutia le malheureux Breton pétrifié.

Jean monta l’escalier qui conduisait à la chambre à coucher, il trouva le lit et y déposa son fardeau.

La jeune femme ouvrit des yeux hagards ; de nouveau, ses membres se tordirent, un son rauque sortit de sa bouche, que mouillait une salive sanglante.

Jean se croisa les bras devant elle. Il paraissait vieilli de dix ans, ce méridional dont le teint autrefois était si chaud. Il avait les joues blêmes, le regard sombre, le coin des lèvres tiré dans un mauvais rictus, des plis argentés se mêlaient à ses rudes cheveux bruns, ses robustes épaules se voûtaient un peu et le deuil qu’il portait encore le pâlissait davantage.

— Maman ! dit Berthe d’une voix presque inintelligible.

— Ah !… tu veux voir ta mère ?… elle sera là ce soir pour la veillée… Mi-Chat… sois tranquille, je lui ai permis de venir, mais quand ce serait fini, bien fini, répliqua froidement Jean Soirès. Il avait l’aspect très calme, il continuait de sourire de son sourire étrange.