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due par les deux bras de Jean contre la peur et surtout contre la faim !…

Elle aurait acheté un berceau de dentelles pareil à celui qu’elle se souvenait d’avoir vu chez une de ses amies, un beau berceau doublé de satin rose… qu’elle aurait payé de son argent, que les amies seraient venues voir avec des cris d’enthousiasme !…

Mon Dieu, voici que le dimanche arrivait, elle comptait les jours depuis l’envoi de sa lettre, et sa mère ne répondait pas ! Peut-être n’était-elle plus à Meudon… alors… elle vivait chez son gendre, chez l’homme qui aurait encore le droit de tuer l’épouse infidèle quand il connaîtrait le lieu de sa retraite.

Berthe tremblait de tous ses membres, et sur ses joues amaigries glissaient des larmes brûlantes.

Le matin du dimanche elle se fit descendre au jardin pour guetter le facteur, elle se coucha sous le grand sapin, la tête tournée vers le chemin de Langarek.

On l’avait habillée d’un ample peignoir bleu, très simple et très flottant ; ses cheveux, qui la fatiguaient toujours, s’épandaient le long de son corps en mèches folles, son coudé enfoncé dans leur nappe blonde éclatait d’une blancheur de marbre. Il faisait une journée merveilleuse, la mer était calme, le ciel pur. Au-dessus des girouettes du château de Bryonne jouaient des colombes, et les marronniers du parc se teintaient d’une pourpre royale. La nature exhalait, elle aussi, son dernier souffle de coquette. Les rosiers se penchaient, lourds de leurs