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retournant pour le cas, peu désirable d’ailleurs, où le père réclamerait son enfant.

Il lui rappela dans des termes très voilés que le domino rouge avait passé une heure dans la loge du comte de Bryon, la nuit du bal de l’Opéra, puis il la suppliait d’être courageuse, de l’oublier, lui, mais de penser à l’enfant qui, n’étant pas né d’une faute, ne serait point responsable de leur affreuse situation. Il terminait par ces phrases :

« … En somme, Berthe, je crois que vous m’aimez beaucoup et votre amour d’ange me fait un oreiller pour ma tristesse si mignon, si vraiment exquis que je vous en remercie à genoux ! La plus haute région où vous vous soyez élevée, mon amie, c’est assurément en atteignant cette phase de désespoir, un peu morne, indifférent à tout le reste… Cela vous durera toujours, dites-vous… Je vous le souhaite, car c’est bien le ciel que souffrir d’un amour que rien n’a pu ternir puisqu’il est irréalisable !… Cela vous fait grande, plus grande que je ne puis être grand, ma Berthe chérie.

» Vous y gagnerez la révélation de tous les bons sentiments qui sont en vous, ceux dont vous n’avez fait guère usage jusqu’à présent. Ma petite amie qui êtes le seul motif de vivre que je me trouve, ma Berthe, aimez-moi de toute la passion que je m’interdis de Vous donner !… Je suis désespéré, moi, d’avoir traversé votre chemin… cependant, avant moi, y avez-Vous cueilli des fleurs sur ce chemin désert ? Oh ! les étonnantes audaces qui nous seraient permises si nous