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Tu ne te maries pas, Maxime ?… Si tu te mariais, j’irais me pendre aux pieds du Christ, je me ferais le petit ex-voto de ta piété : mais tu ne peux pas te marier, je suis la fiancée de ton âme !…

» Les maisons se groupent autour de ce pauvre clocher avec des allures de timides brebis… elles sont toutes recouvertes de chaume, et le vent du large y a lancé du sel ; on les voit briller le matin comme des écrins moussus remplis de diamants, et la flèche de l’église, fine, svelte, domine ces toits ayant pour fond une étendue immense de mer. On dirait quand on est dans les falaises et qu’on oublie le village pour ne regarder que cette flèche sur l’horizon de l’eau, on dirait une glace bien pure fendue d’une fente noire… Cela m’impressionne toujours, ce spectacle tranquille ; les glaces fendues portent malheur.

» De jolies vaches blanches et brunes paissent l’herbe des côtes. Elles ont des sonnettes au cou qui vous préviennent de leur passage… moi je n’en ai plus peur… je cherche, au contraire, celles qui sont marquées d’un croissant de feu ; elles appartiennent à vos fermiers, et leur lait… je le trouve meilleur.

» Je bois du lait, je fais des tartines avec du pain bis… Anne m’apprend à préparer des caillebottes, je crois que vous les trouveriez excellentes.

» Ma chambre est tendue de perse bleue, vous vous êtes souvenu que j’étais vouée jadis au bleu… je vous l’ai dit, n’est-ce pas ? ou vous l’avez deviné ?