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chemins qui montent… oh !… j’avais les jambes toutes brisées. À la grille de son jardin, j’ai eu l’idée de regarder avant de sonner… j’ai aperçu mon mari. Jean s’était douté de ma fuite après le duel… Alors mon cerveau s’est mis à brûler… à brûler… puisqu’il était déjà chez ma mère… vous étiez mort, je me suis sauvée. Ma mère ni lui ne se sont doutés de ma présence devant cette grille… Je souffrais bien, Maxime. Mon cœur éclatait. Comment suis-je revenue jusqu’ici ?… je ne me l’explique pas… je me suis trompée souvent de chemin. Une voiture m’a renversée au Trocadéro, mais je n’ai pas voulu appeler un agent, je ne songeais qu’à courir, courir très vite… Oh ! je me moquais des passants… on disait derrière moi : elle est folle… mais je courais toujours… me voici… vous n’êtes pas mort… on vous soigne… et nous ne devons jamais nous revoir. Adieu !

— Berthe… où allez-vous ? interrogea Maxime qui agita un instant ses rideaux.

— Je vais… Mais que vous importe ?… Je ne retournerai pas avec lui… Je vous le jure !…

— Berthe… c’est votre mari… asseyez-vous, reprenez des forces… tout ce qui est ici vous appartient. La duchesse, qui est depuis hier votre amie, vous fera servir à dîner et ensuite vous rentrerez chez vous… chez lui… Un scandale de plus vous perdrait… Berthe, ma sœur, je vous l’ordonne.

— Comte… j’ai assez de savoir que vous vivez, dit la jeune femme avec une amertume si poi-