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les bas-bleus savants et pédants, aussi parmi les frivoles qui écrivent des bouts de chroniques de mode entre deux canapés. Elle aurait voulu connaître madame Georges de Peyrebrune, mais Georges était de son pays et Rachilde haïssait ce pays de truffes, de méridionaux bêtes et suffisants, de fermiers paresseux, de dévots scandalisés par ses articles un peu soufrés.

Pour elle, les défauts saillaient d’abord dans une étude et non les qualités ; son pays avait des mares, donc il était croupissant, ce sacré pays, et elle ne voulait plus y croupir ni même savoir que des beautés sereines, des talents tranquillement développés pouvaient s’y être épanouis à la lueur de son ciel innocent, le ciel, ce miroir que le reflet des terres boueuses ne ternira jamais !

Elle évita donc Georges de Peyrebrune… et la pression de cette main loyale ne lui vint que plus tard, lorsque le danger ne pouvait déjà plus se conjurer.

Elle eut cependant quelques amitiés de femmes… Seulement Rachilde ne savait pas aimer sans être ombrageuse, et de susceptibilité en soupçon elle secoua cette amitié comme un enfant secoue par caprice un arbre fleuri : les fleurs tombent sans laisser de fruits à l’arbre… Plus tard, elle devait comprendre la tristesse horrible d’être seule de son avis… Trop tard !

Les parents de mademoiselle Eymery terminèrent un beau jour leurs querelles intestines en se ruinant les uns les autres, ils vendirent vivement leurs propriétés, se distendirent dans un parfait désaccord, et il y eut le calme, le vaisseau s’étant pour toujours enfoncé…

La propriété vendue, mais c’est le cauchemar terminé. Pardieu !… s’écria Rachilde qui avait appris de son père à jurer en fumant la cigarette.