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Une clef grinça dans la serrure de son cabinet de toilette. Soirès venait de rentrer par l’escalier de service, il s’arrêta en chancelant sur le seuil.

L’idée affreuse qu’il était vraiment ivre passa par la tête de la pauvre enfant. Elle serrait contre elle son châle de voyage roulé et attaché pour son prochain départ, ne doutant pas qu’il la laisserait partir, après les injures dont il l’avait abreuvée au bal de l’Opéra.

Jean referma la porte. Il s’avança, les yeux étincelants mais la bouche très souriante.

— Mi-chat, fit-il comme s’il ne fût rien arrivé d’anormal, ton costume est merveilleux. Il a produit une sensation immense, tu dois être contente… Allons, ajouta-t-il un peu railleur, viens t’asseoir à côté de moi, embrassons-nous… que diable, je suis brutal, cependant je sais te consoler ensuite. Nous nous battons demain… c’est-à-dire ce matin dans quatre heures… viens vite… Je n’aurai que le temps de signer la paix.

Il était presque dégrisé, seulement il fallait attribuer son sang-froid au gant du comte de Bryon qui, en fouettant sa joue, avait amené une salutaire réaction.

— Jean, dit Berthe d’une voix ferme où ne vibrait plus aucune tendresse, je vais où tu m’as ordonné d’aller, il y a un moment, devant tous les gens de ton monde. Ta femme descend dans la rue. Adieu !

Elle voulut s’éloigner, Jean éclata de rire.

— Tu es sotte, ma chère enfant, je t’ai joué une