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C’était un domino de moire antique nuance feuille morte, très ample, très élégant, répandant je ne sais quel parfum de vétyver, et un jeune homme d’une stature très élevée, en habit noir, portant, par galanterie sans doute, un loup de satin feuille morte.

On eût juré la mère et le fils. Le domino de moire marchait avec une peine visible, le jeune homme la protégeait contre les chocs, et quelques pierrots échappés du bal riaient de l’empêtrement de cette novice de soixante-dix ans.

— Duchesse, disait le comte Maxime, vous me ravissez l’âme… nous revenons aux temps des gardes-Françaises… voulez-vous vous asseoir ou irons-nous mugueter ailleurs !

— Comte, répondait une douce voix chevrotante, je perds mes ruches… On me déchire… eh ! les manants, les sacripants… On m’a changé mon Opéra… Il vient donc ici des courtauds de boutique ? J’avais quinze ans quand un chambellan de Charles X m’y conduisit pour la première fois !… Je vous jure que les éclairages étaient alors bien meilleurs… c’est à peine si je distingue…

La voix s’éteignit dans une exclamation de fureur : on avait pris la taille de la duchesse de Sauvremieux.

Les pierrots, profitant du désordre que causait le cri de la duchesse, bousculèrent adroitement les hommes d’un côté, les femmes de l’autre, et, ravis de séparer des amoureux, ils s’éclipsèrent.

L’orchestre entamait une valse.