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Brusquement Berthe se leva de sa causeuse et vint s’asseoir sur les genoux du banquier, ainsi qu’elle avait coutume de le faire autrefois.

— Jean, dit-elle en lui caressant les cheveux… ce n’est qu’un gros mensonge… mais n’essaye pas de me faire pleurer encore… je suis malade… tu pourrais me tuer…

Il tressaillit jusqu’au plus profond de son être.

— Te tuer ? Mi-chat… parce que cet homme se marie… tu me rends fou… tu l’aimes donc toujours ?

— Écoute-moi bien, Jean, dit-elle résignée d’avance soit aux bourrasques de colère soit aux bourrasques d’amour, je ne saurais pas expliquer mieux ce que j’éprouve pour lui qu’en te montrant cette fleurette, là, près de ce journal. C’est un myosotis brodé sur le satin de ce tapis, et il semble y être à merveille parmi les liens soyeux qui l’entourent. Suppose cependant qu’un enchanteur, le touchant de sa baguette, lui donne l’existence d’une vraie fleur, qu’il devienne myosotis pour de bon… crois-tu que le satin, la chaleur de la chambre, les broderies brillantes qui l’entourent, le luxe dans lequel on l’a jeté, crois-tu que tout cela lui suffise ?… non, il voudra un peu de soleil et un peu d’eau.

— Bref, interrompit Soirès, les doigts crispés, ton myosotis ayant beaucoup, demandera moins.

— Oui, Jean, moins… seulement tout le soleil c’est le jour, et toute l’eau c’est la mer… je ne crois pas la richesse suffisante pour acheter ou le jour ou la mer !…