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— Il vous reste un amant pour vous aimer, Berthe, fit le banquier sardonique.

— Je n’ai jamais eu d’amant, vous le savez bien, répondit-elle, fondant en larmes.

— Et moi ? rugit Soirès l’enlaçant dans une étreinte de fer.

La tête perdue, elle se laissa embrasser tandis qu’une vision repassait tout à coup sous ses paupières fermées par les baisers de son mari : la silhouette du comte se détachant toute noire, tout austère, sur un ciel diamanté des plus belles étoiles.

Oh ! comme ce pouvait être une suprême joie, le devoir accompli ! Comme il était grand, ce héros qu’elle avait osé appeler lâche !

Et, la réaction aidant, la pauvre Berthe, si mignonne, si gracieuse, si pensionnaire encore, pensa, sans trop s’en effrayer, à la monstruosité d’un amour double : son corps à l’un, son âme à l’autre.

Huit jours s’écoulèrent sans que Jean fit la moindre allusion au comte Maxime. Berthe, de son côté, commanda quelques robes, reçut quelques visites, mais un changement complet s’opérait dans cette jeune femme éclose au réel amour. Elle ne riait plus, ne flirtait plus ; on ne la surprenait plus balançant, de droite à gauche, un éventail qui faisait oui aux passants, ou mordant le bout de ses ongles avec de jolis signes provocants.

Elle demeurait des heures entières sur la chaise