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un soir, lâchée le lendemain, et tu aurais pleuré toute ta vie.

Berthe se taisait. Elle sentait qu’il disait vrai.

— Veux-tu que je retourne chez ma mère ? Je voulais y aller ce soir déjà… je me repentirai, je serai sage… et je te reviendrai guérie.

— Par exemple… non… non… chère Madame… je ne me fie ni à votre mère ni à votre repentir… vous resterez chez moi, chez vous, et vous tâcherez de penser à la toilette de votre mi-carême.

— Oh ! je n’ai plus ces goûts, Jean… pourquoi me pousser aux coquetteries qui sont ma perte ?

— Il me plaît, moi, que tu me montres et leur montres de jolis costumes. Nous irons au bal comme avant, et, même, je te conduirai à l’Opéra, masquée !… Tu veux te prostituer, prostituons-nous !… si un domino prends la taille de ma femme, cette nuit-là, tant pis… j’en rirai…

Il riait, en effet, quoique tout blêmi par une violente émotion.

Berthe frissonna.

Elle n’avait pas l’habitude de l’injure intime qui vous salit bien davantage que le mépris de toute une foule : elle étendit ses bras en avant, se protégeant le visage.

— Que je suis malheureuse !… s’écria-t-elle ; je n’ai plus de mari pour me venger…

Il lui semblait que l’homme qui était monté à côté d’elle lui devenait inconnu.