Page:Rachilde - À mort, 1886.djvu/147

Cette page n’a pas encore été corrigée

un brutal ; mais elle devait s’imaginer que tous nous étions ainsi. Je le voulais… c’est pour cela que ceux qui la désiraient ne m’inquiétaient guère !… J’étais là, moi, pour l’étourdir quand ils mourraient… pour lui prouver qu’ils ne valaient pas mieux que son mari.

« Je vous étonne… et tout à l’heure, sans doute, je vais vous amuser… Écoutez tranquillement ; parbleu ! vous ne rirez pas le dernier, je vous assure. Je vous ai entendu prétendre, dans un souper de filles, que la vertu des femmes est faite d’ignorance… Je m’en suis douté avant vous, puisque j’ai voulu épouser une petite pensionnaire pauvre.

« Ma femme ne sait que l’amour, et c’est assez, je pense. Mais l’amour tel qu’on le pratique sur notre planète, Monsieur, non pas celui qu’on soupire dans la lune !… Il est donc inutile de lui proposer des amants, je vous préviens que son mari lui suffit… Alors… vous comprenez… l’art, la poésie, les jolies phrases, le cœur, les aspirations aux sentiments élevés… autant d’oiseaux auxquels je veux couper les ailes, tordre le cou.

« Je respire mieux, mon cher comte, ma colère ne m’empêche plus de vous voir… je crois qu’il y a un moment j’aurais frappé dans le vide, ne me doutant pas que vous étiez présent en chair et en os ! Combien de fois je vous ai assassiné ainsi comme on cherche à assassiner un fantôme ! Comte… nous sommes entre hommes, maintenant, soyons francs et soyons forts : aimez-vous ma femme ?… Si oui,