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de corolles emportées et de mousses aux parfums étranges ; moitié folie à grelots, moitié paysanne délurée, et cette gnome se mit à danser devant celle qui priait le bon Dieu de lui pardonner le vol d’une pêche fait sans aucune vergogne, elle lui cria, la toquée : « Viens… nous partagerons la pêche… » Hélas !… voilà Rachilde qui naïvement raconte à son retour, sur un cahier relié en bleu intitulé journal, que madame la Poésie née d’Églantier-moussu permet de voler les pêches du voisin et même de laisser inachever un chapelet commencé. (Je crois que Rachilde aurait mieux fait ce matin-là de se ficher à l’eau ; je ne serais pas obligée d’écrire sur elle ces trente maudites pages !)

Elle griffonna régulièrement tous les matins à partir de la fatale rencontre, dans le cahier azuré, tantôt en imitant fort mal les rythmes des chansons entendues derrière les haies, couplets de gardeuses de moutons traînants et mélancoliques, perpétuel regret d’une payse qui attend son pays « parti pour la guerrrre » ; ou cris grossièrement accouplés des laboureurs dont la voix est généralement fausse comme celle des taureaux. L’amour était représenté dans ses inutiles tentatives littéraires par un jeune homme qui avait un pantalon garance et une tête d’enfant de chœur.

Le plus horrible, le plus contre nature mélange : la force des mâles du plein air, la mièvrerie du curé poupin qui orne perpétuellement une statue de femme, tantôt en blanc tantôt en bleu. La petite n’avait pas de livres.

Et si parents furent coupables, ce furent les siens qui n’osèrent pas l’enfermer en une bibliothèque de puissants ouvrages, où elle eût été dégoûtée de sa faiblesse tâtonnante, où elle aurait perdu, en étudiant, l’envie, atrocement ridicule, de se faire étudier.

« Sévère mais juste ! » murmure M. Monnier, qui est à