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Cette pauvre cervelle d’enfant gâtée se bouleversa en une seconde. Berthe devint nerveuse.

— Alors, il faut donc s’occuper d’un homme pour qu’il vous aime ? demanda-t-elle sans savoir ce qu’elle disait.

— Non… au contraire ! Madame… mais je crains bien que cette maudite coquetterie…

Marivaudant, il saisit la tresse dorée en repoussant la table. Les volumes s’écroulèrent.

— Splendides cheveux, capables de rendre fou Platon, cet autre fou. J’en voudrais tisser une étoffe souple dans laquelle je dormirais une fois par mois. Tous les soirs des draps de soie jaune, ce serait trop, et la sensation idéale s’épuiserait vite… Ne vous imaginez pas, Berthe, que je les contemple d’un œil indifférent. Seulement si je les approche de mes lèvres, je diminue le désir que j’ai de le faire, puisque je commence à le réaliser un peu… et si j’ai le malheur de les baiser, c’est fini, mon désir s’est évanoui !

Elle se recula, saisie d’un frisson étrange.

— Voulez-vous finir, Platon ? balbutia-t-elle, lui ôtant la tresse des mains, d’abord personne, excepté mon mari, n’a le droit d’y toucher, et, ensuite, croyez-vous que je ne puisse pas défendre mes cheveux ?…

— Une coquette ne défend rien ! Elle donne tout, Berthe.

— Vous êtes d’une rare impertinence.

— Par exemple ! Vous auriez fini par vous fâcher … il faut que je vous insulte un peu, ma petite amie !