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de tous, n’a pas encore failli, aurait-elle été la maîtresse du suicidé… ou… deviendrait-elle amoureuse de moi ?…

— Me permettez-vous, Madame, dit-il se levant pour la conduire vers le buffet, d’aller feuilleter vos livres demain ? Lire au hasard me paraît dangereux quand on est une ex-coquette de vingt-deux ans.

Il conservait son maintien dédaigneux, mais Berthe s’imagina que ses lèvres avaient quelque chose d’affectueux. En réalité, Maxime s’apitoyait sur la femme de Soirès, peut-être sur Soirès lui-même.

Berthe quitta le bal de bonne heure.

— Tu es donc fatiguée ? demanda Jean en l’enveloppant avec des soins paternels dans ses fourrures. Autrefois tu me faisais veiller jusqu’au jour !

— Je m’ennuie ! dit laconiquement la jeune femme.

— Mi-chat ! tu as des peines… et tu me les caches ?

Il la serrait contre sa robuste poitrine voulant la défendre.

— J’ai mal à la tête !

— Ce sont tes livres que le diable emporte !… Tiens, j’aimerais mieux que le comte de Bryon t’eût fait des compliments comme tous les autres au lieu d’aller te fourrer la science et les arts dans la cervelle. Est-ce qu’une femme qui a de la fortune doit savoir qu’ABeilard aimait Héloïse platoniquement ? Sacrebleu ! j’ai envie de les brûler, tes livres… j’en suis jaloux.