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sa nourrice, une rousse bien laide, mais bien aimée de sa nourissonne ; cette rousse s’appelait Lala et on ajoutait : Rouk, quand on était musicien. Lala et Rachilde allèrent de garnisons en garnisons. La première ne savait pas lire, la seconde ne voulait pas apprendre à lire : c’était une belle combinaison d’entêtements. Aussi à huit ans Mademoiselle Rachilde, un peu idiote, toujours pâle et très silencieuse, faisait le désespoir de ses parents, mais le bonheur de sa nourrice qui la mettait encore dans son panier à provisions pour aller au marché.

Instruction religieuse ?… néant ! (comme on le voit sur les notes des écoliers.) Histoire de France : quelques faits d’armes… Géographie, ignore la position de l’Allemagne sur la carte. Morale : si on te donne une tape rends-en deux et ne joue jamais avec les petits garçons, parce qu’ils te prendraient tous tes bonbons, ni avec les petites filles, parce qu’elles voudraient partager avec toi… Talents d’agréments : dessin, musique, fables de La Fontaine et les contes incohérents de Lala.

À dix ans, Mademoiselle Rachilde ne s’était pas encore confessée, elle avait dérobé une dragonne à son papa pour habiller sa poupée, se faisait battre par tous les gamins de son âge, étant donné qu’elle rendait les tapes qu’elle n’avait jamais reçues et que naturellement on se réunissait, dans les coins, pour la piler. (Les enfants d’un caractère peu sociable sont toujours pilés en ce monde).

La nourrice retourna au pays pour se marier (il y avait dix ans qu’elle ne nourrissait plus). La guerre fut déclarée à la Prusse, le père partit avec un dolman de laine blanche qu’il avait commandé à sa femme pour se faire voir de loin aux ennemis ; la petite fille fut embarquée pour le Cros… il y eut enfin de grands évé-