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amis jeunes, insignifiants, de son âge, mais non de son mérite. Il ne les estima jamais, leur reprochant leur vie scandaleuse, leurs sottises, surtout leurs idées excessives.

Les nouvelles doctrines lui paraissaient fatigantes au suprême degré. Selon les siennes, tout progrès ne pouvait que dégénérer en excès, et puisque chacun reconnaît que l’art moderne est inférieur à l’art antique, il lui semblait pour le moins inutile de s’occuper du reste.

Les aventures n’abondaient pas sur son chemin. Le héros de roman qu’il aurait pu être le gênait, en lui, et il riait, tout bas quand des regards de femme lui disaient : Vous avez un secret.

Mon Dieu, non, il n’avait pas de secret autre que l’ennui gravé sur sa physionomie hautaine. Il était né avec ce blasement incompréhensible de tous ses sens et ce singulier exercice de ses acuités artistiques, sans élan, sans but, sans mission.

Il assistait, dans son for intérieur, à l’agonie de tout ce qui avait été la noblesse de ses ancêtres, leurs volontés, leurs folies, et cette impuissance latente qu’il ne voulait même pas constater en faisait le plus calme désespéré de la terre.

Mais il était spirituel autant qu’un homme détaché de tout peut l’être, et on le recherchait, dès qu’on l’avait entendu, pour la poésie vague dont il savait entourer ses mots toujours choisis, ses réflexions toujours délicates. Cet esprit le conduisait naturellement dans la société des femmes oisives