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préfets, — À part ces différentes choses, l’air pur me va et j’admets la fille de joie.

Mademoiselle Rachilde naquit en 1860 au Cros (ça veut dire trou en patois) entre Château-l’Évêque et Périgueux. Ce Cros était une propriété humide autour de laquelle poussait trop de pervenche, trop de lierre, trop de vigne vierge, trop de saules et trop de truffes. Devant la maison, des grenouilles dans un étang ; derrière, des fermes remplies de petits enfants peu légitimes, malpropres. Au jardin l’humidité empêchait les fraises de rougir, les radis étaient mangés par une bête qu’on ne voyait jamais, et les vaches de l’étable, quand elles s’égaraient dans ce jardin, tarissaient. Les confitures de cerises prenaient des moustaches quinze jours après leur fabrication ; en revanche il y avait des folles-avoines s’agitant partout avec l’insolente morgue d’une aigrette de reine.

Rachilde vint donc au monde dans une chambre du Cros en face de la mare aux grenouilles, côté des folles-avoines. Son père était un officier un peu taciturne, sa mère… au fait ! je trouve une mère tellement compromise par la naissance d’une Rachilde que je m’abstiendrai désormais de parler de cette dame, une douce et honnête créature. — J’ajouterai que la famille, fort respectable, était absolument désunie sans savoir pourquoi et perdait en des détails de discussions futiles toute une grosse somme de tranquillité (comme je ne suis pas parent je dis ce que je pense).

Il paraît que Rachilde en venant au monde était d’une pâleur mortelle, une histoire de cadavre aperçu tout à coup par la jeune maman, et cette mortelle pâleur, la pauvre petite l’a toujours conservée, ce qui lui nuit dans l’esprit de certaines gens.

À six semaines, Rachilde voyageait sur les genoux de