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chez les marchands d’estampes, peintes mais effacées, rieuses mais aussi mélancoliques, avec deux rouleaux nattés sur chaque oreille, un nœud en huit sur le sommet du front, les sourcils tendus comme des arcs et la bouche formant la cerise. Je possède une collection de miniatures qui en représentent un bon nombre. L’une d’elles porte un jupon de basin semé de fleurettes ; sous ce jupon l’extrémité d’un pantalon brodé passe, ses bottines sont de soie verte sans talon et sa taille est celle de la guêpe. Elle court dans un jardin rempli de caisses d’orangers, tandis qu’un petit chien épagneul la suit, une ombrelle à la gueule. Cette miniature qui fut ma grand’mère est aujourd’hui ma fiancée… Remarquez, je vous prie, qu’aucun dénouement fâcheux n’est à prévoir. Ma fiancée n’étant que le passé, et le passé ne pouvant pas revenir : voilà tout mon éternel féminin !

— Oh ! monsieur de Bryon, vous me donnez envie de pleurer ! s’écria Berthe.

Elle ajouta, entre deux gorgées de café :

— Cet amour vous suffit ?

Maxime ne répondit pas, mais il ferma les yeux.

— Après tout, dit-il au bout d’une minute de silence, les morts peuvent revenir, Madame !

— Vous m’accusez ? je le sens !… Est-ce donc un malheur irréparable que d’être aimée sans le savoir ? balbutia Berthe très troublée de l’allusion.

Soirès s’était approché d’eux ; le vieux gérant venait de partir Le banquier haussa les épaules.