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Mlle Rachilde — de son véritable nom Marguerite Eymery — est née près de Périgueux. Un pays fort beau, le Périgord, des sites charmants, de l’eau, des collines, des prairies, un ciel bleu, des… Les habitants de ce pays sont très sales, très cancaniers, très vantards : le Midi et demi, moins l’envolée félibresque et l’amour des arts qui distingue la Provence. — À l’horizon vermeil de la Dordogne il est impossible de préférer le plafond fuligineux de Paris. On respire dans ces campagnes paisibles un air si pur ! — Seulement la terre de cette contrée bénie porte à son centre un petit point noir, emblème des raffinées pourritures ; la truffe, et pour chercher l’ignoble produit aphrodisiaque les porcs abondent. Ils sont de bonne qualité, du reste, ces porcs. Mais leurs gardiens, nos paysans périgourdins, la vilaine race ! poltrons, gourmands, paresseux et jamais débarbouillés… c’est le point noir qui s’étend ! — Les citadins sont tous de jolie noblesse ; en Périgord on a les de Senzillon, les de Rouffignac, les d’Abzac de Ladouze, les de Malé, les de Bastard ; le bonapartisme est grandement représenté ainsi que le royalisme, sans oublier le cléricalisme le plus sincère avec un ou deux échantillons de socialisme de mauvais goût. — Il en résulte qu’on ne se salue guère dans les rues du chef-lieu ; les préfets sont l’objet de haines éperdues, on jette souvent de la boue aux voitures de maître qui descendent des châteaux voisins, et les dévotes font mourir de chagrin les pauvres filles de joie des bas quartiers. — La moisissure quand même ! toujours la truffe, fruit malsain mûri dans les ténèbres et qui lutte sournoisement contre les estomacs solides, contre les esprits sains ! — Moi je déteste les truffes, je n’aime pas le porc, je n’aime pas les paysans, je n’aime pas les bonapartistes ni les royalistes, ni les socialistes, ni les dévotes, ni les