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Triomphent d’Achelois, du Scamandre et du Stis,
Par leurs fameux travaux en victoires fertiles,
Et que jusques à nous leurs noms soyent parvenus,
Combien est-il péry d’Alcides et d’Achiles

————Qui nous sont inconnus ?

Ces considérations ne m’eussent pas empesché de suivre dans les armes les généreux exemples de mes ancestres, si je fusse venu plus tôt ou plus tard au monde. Mais toutes les guerres de Henry le Grand se passèrent pendant mon enfance ; je n’avois que neuf ans quand on fit la paix de Vervins. Elle ne laissa que la guerre des Espagnols et des Hollandois, où ce grand prince envoyoit tous ceux qui avoient l’honneur de porter ses livrées. J’y courus comme les autres en sortant de page, mais ce fut trop tard ; cette longue trève qui a duré douze ans estoit desjà faite.

Depuis ce temps-là, il ne s’est passé que quelques petites émotions de guerre civile, qui ont esté aussitost éteintes qu’allumées. La première où je me trouvay, ce fut au siége de Saint-Jean d’Angely. J’estois alors en un âge trop avancé pour n’estre que simple soldat, et avois trop peu d’expérience pour estre capitaine et pour parvenir à des charges dignes de ma naissance. La guerre demande une présence d’esprit, et une parole aisée pour les commandemens, et un corps robuste et infatigable pour l’exécution, qui sont des qualitez qui ne sont point en moy.

La moitié de mon âge que j’avois passée dans le repos ne me permettoit pas de changer ma façon de vivre pour m’accoutumer à la fatigue des armées. J’estois d’une assez bonne constitution, mais qui avoit besoin d’estre choyée. Le