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Termes, de qui le merite
Ne se peut trop estimer,
La belle saison invite
Chacun au plaisir d’aimer :
La jeunesse de l’année
Soudain se voit terminée ;
Aprés le chaud vehement
Revient l’extresme froidure,
Et rien au monde ne dure
Qu’un éternel changement.

Leurs courses entre-suivies
Vont comme un flus et reflus ;
Mais le printemps de nos vies
Passe et ne retourne plus.
Tout le soin des destinées
Est de guider nos journées
Pas à pas vers le tombeau !
Le Temps de sa faux moissonne,
Et sans respecter personne,
Ce que l’homme a de plus beau.

Tes loüanges immortelles,
Ny tes aimables appas,
Qui te font cherir des belles,
Né t’en garantiront pas.
Croy-moy, tant que Dieu t’octroye
Cet âge comblé de joye
Qui s’enfuit de jour en jour,
Joüis du temps qu’il te donne,
Et ne croy pas en autonne
Cueillir les fruits de l’amour1.


1. Tout révèle ici un véritable peintre de la nature. Cette pièce auroit heureusement figuré dans les Bergeries.