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gargantua.

sorti de son cerveau, il ne l’a créé qu’en composant Gargantua. Il en résulte pour le lecteur actuel que frère Jean, qui tient une si grande place dans le premier livre, n’est pas nommé dans le second, tandis qu’on le retrouve dans chacun des trois autres.

Il en est de même à l’égard de quelques autres personnages moins importants, tels que Ponocrate & Gymnaste, qui, créés seulement dans le Gargantua, ne paraissent point dans le Pantagruel.

L’antériorité de ce livre semble si bien démontrée, que nul n’aurait songé à la contester, si l’on n’avait cru d’abord à la nécessité de reconnaître, par une forte de conséquence forcée, Rabelais pour l’auteur des grandes Cronicques. Elles paraissent, dans leur ensemble, tellement indignes de lui, que ses nombreux & fervents admirateurs ont mieux aimé nier l’évidence que de les lui attribuer.

Une conjecture fort sensée de M. Gaston Paris est de nature à les tirer d’embarras.

« Je ne doute pas, dit-il, que ce livre, antérieur à 1526, n’ait été revu par Rabelais qui le publia sans doute à Lyon en 1532. En effet le premier livre du Pantagruel est de la fin de 1532, & le Gargantua auquel il est fait allusion dans le prologue était certainement un livre nouveau. Tous deux, le Gargantua revu par Rabelais & le Pantagruel, ont paru, suivant une probabilité qui touche à la certitude, chez le même éditeur lyonnais, à un très-faible intervalle. C’est ce qui rend bien vraisemblable la participation de Rabelais à l’édition revue du Gargantua ; il était à Lyon depuis le commencement de 1532[1] ».

Ainsi s’explique qu’on trouve de temps à autre, au milieu d’un récit plat & insipide, un détail spirituel & vraiment comique, tout à fait de nature à être attribué à notre auteur.

  1. Revue critique, 4e année, p. 328, note 1.