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lettres et docvments

prindrent deux priſonniers. Puis ſuyuans leur fortune ſe trouuerent enueloppez entre quelque eſquadron des forains caché comme en embuſcade. Là craingnans que la bataille enſuiuiſt, ſe retirent au trot & perdirent deux de leurs gens, qui furent ſemblablement emmenez priſonniers. A leur retraite ſortirent du chaſteau les gens de cheual cinq à cinq par ranc, la lance au poing. Les forains de meſmes ſe preſenterent, & rompirent lances en tourbe, par pluſieurs courſes. Qui eſt choſe grandement perilleuſe. Tant y ha que le ſeigneur de Maligni ayant fait paſſee ſans attainte contre l’eſcuier de ſon Excellence, au retour le choqua de telle violence, qu’il rua par terre homme & cheual. Et en linſtant mourut le cheual, qui eſtoit vn bien beau & puiſſant courſier. Celuy dudit S. Maligni reſta eſpaulé.

Le temps pendant qu’on tira hors le cheual mort, ſonnerent en autre & plus ioyeuſe harmonie les compagnies des muſiciens, lesquelz on auoit poſé en diuers eſchauffautz ſus la place : comme hautbois, cornetz, ſacqueboutes, flutes d’Allemans, doucines, muſettes, & autres, pour eſiouir les ſpectateurs par chacune poſe du plaiſant tournoy. La place vuidee, les hommes d’armes tant d’vn coſté comme d’autre, le S. de Maligni monté ſus vn genet frais, & l’eſcuier ſus vn autre (car peu s’eſtoient bleſſez) laiſſans les lances combatirent à l’eſpee en tourbe les vns parmy les autres aſſés felonnement. Car il y eut tel qui rompit trois & quatre eſpees : & quoy qu’ilz fuſſent couuers à l’aduancage, pluſieurs y furent deſarmez.

La fin fut qu’vne bande de harquebouſiers forains chargerent à coups d’eſcoulpettes les tenans, dont furent contraintz ſoy retirer au fort, & mirent pied à terre. Sus celle entrefaice au ſon de la campanelle