Page:Rabelais marty-laveaux 02.djvu/235

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Comment Pantagruel feiſt ſes apreſtz pour monter
ſus mer. Et de l’herbe nommée Pantagruelion.[1]


Chapitre XLIX.


Pev de iours apres Pantagruel auoir prins congié du bon Gargantua, luy bien priant pour le voyage de ſon filz, arriua au port de Thalaſſe pres Sammalo, acompaigné de Panurge, Epiſtemon, frere Ian des entommeures abbé de Theleme, & aultres de la noble maiſon, notamment de Xenomanes le grand vovagier & trauerſeur des voyes perilleuſes[2], lequel eſtoit venu au mandement de Panurge, par ce qu’il tenoit ie ne ſçay quoy en arriere fief de la chaſtellenie de Salmiguondin. Là arriuez, Pantagruel dreſſa equippage de nauires, à nombre de celles que Aiax de Salamine auoit iadis menées en conuoy des Gregoys à Troie. Nauchiers, pilotz, heſpaliers, truſchemens, artiſans, gens de guerre, viures, artillerie, munitions, robbes, deniers, & aultres hardes print & chargea, comme eſtoit beſoing pour long & hazardeux voyage. Entre aultres choſes ie veids qu’il feiſt charger grande foiſon de ſon herbe Panta-

  1. Pantagruelion. L’herbe ainsi appelée parce que « Pantagruel feut d’icelle inueuteur » (t. II, p. 234), n’est autre que le chanvre (cannabis sativa, Linnée). À propos des trois chapitres qui suivent, l’ardent panégyriste de Rabelais, Antoine Leroy, a fait l’éloge de son héros, considéré comme botaniste. Depuis, des savants spéciaux sont venus confirmer cet hommage. De Candolle, dans une note de sa Théorie élémentaire, a constaté que Rabelais avait devancé tous les autres écrivains dans sa dissertation sur l’origine des noms des plantes ; et M. Léon Faye oppose à la définition exacte, mais froide, que ce savant donne du chanvre dans sa Flore française, le tableau qu’en trace Rabelais. Voyez : Rabelais botaniste, par Léon Faye, Angers, 1854, et le Discours prononcé à Montpellier le 8 juin 1856, à la session de la Société botanique de France, par M. le comte Jaubert.
  2. Trauerſeur des voyes perilleuſes. C’est le nom que Jean Bouchet, ami de Rabelais, avait pris, depuis longtemps déjà, sur le titre de ses ouvrages. Peut-être est-ce lui que notre auteur veut désigner ici.