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le tiers livre

dedans le corps poſé en lieu ſecret & inteſtin vn animal, vn membre, lequel n’eſt es homes : on quel quelques foys ſont engendrées certaines humeurs ſalſes, nitreuſes, bauracineuſes, acres, mordicantes, lancinantes, chatouillantes amerement : par la poincture & fretillement douloureux des quelles (car ce membre eſt tout nerueux, & de vif ſentement) tout le corps eſt en elles eſbranlé, tous les ſens rauiz, toutes affections interinées, tous penſemens confonduz. De maniere, que ſi Nature ne leurs euſt arrouſé le front d’vn peu de honte, vous les voiriez comme forcenées courir l’aiguillette plus eſpouantablement que ne feirent oncques les Prœtides, les Mimallonides, ne les Thyades Bacchicques au iour de leurs Bacchanales. Par ce que ceſtuy terrible animal a colliguance à toutes les parties principales du corps, comme eſt euident en l’Anatomie.

Ie le nomme animal, ſuyuant la doctrine tant des Academicques, que des Peripateticques. Car ſi mouuement propre eſt indice certain de choſe animée, comme eſcript Ariſtoteles[1] : & tout ce qui de ſoy ſe meut, eſt diſt animal : à bon droict Platon[2] le nomme animal, recongnoiſſant en luy mouuemens propres de ſuffocation, de præcipitation, de corrugation, de indignation : voire ſi violens, que bien ſouuent par eulx eſt tollu à la femme tout aultre ſens & mouuement, comme ſi feuſt Lipothymie, Syncope, Epilepſie, Apoplexie, & vraye reſemblance de mort. Oultre plus, nous voyons en icelluy diſcretion des odeurs manifeſte, & le ſentent les femmes fuyr les puantes, ſuyure les Aromaticques. Ie ſçay que Cl. Galen[3] s’efforce prouuer que ne ſont mouuemens propres & de ſoy, mais par accident : & que aultres de ſa ſecte trauaillent à demonſtrer, que ne ſoit en luy diſcre-

  1. Comme eſcript Ariſtoteles. — De communi animalium motu.
  2. Platon. — Timée.
  3. Cl. Galen. — VI, De locis affectis, c. 5.