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porreaulx, daulx, d’oignons et de cibotz, ce que espoventa bien lesdictes saiges femmes, mais les aulcunes d’entre elles disoyent : « Voicy bonne provision. Aussy bien ne bevyons nous que lachement, non en lancement. Cecy nest que bon signe, ce sont aguillons de vin. » Et, comme elles caquetoyent de ces menus propos entre elles, voicy sortir Pantagruel, tout velu comme un ours, dont dist une delles en esperit propheticque : « Il est ne a tout le poil : il fera choses merveilleuses ; et, s’il vit, il aura de leage. »

Du dueil que mena Gargantua de la mort de sa femme Badebec. xxxxx Cha. iii

Vignette 4
Vignette 4

uand Pantagruel fut ne, qui fut bien esbahy et perplex ce fut Gargantua son pere : car voyant dung couste sa femme Badebec morte et de laultre son fils Pantagruel ne, tant beau et grand, il ne scavoit que dire ny que faire. Et le doubte qui troubloit son entendement estoit, assavoir mon sil debvoit pleurer pour le deuil de sa femme, ou rire pour la ioye de son fils ? Dung coste et daultre il avoit dargumens sophisticques qui le suffocquoient : car il les faisoit tresbien in modo et figura, mais il ne les pouvoit souldre. Et par ce moyen demouroit empestre comme ung Millan prins au lasset. Pleureray ie, disoit il ? Ouy : car pourquoy ? Ma tant bonne femme est morte, qui estoit la plus cecy et cela qui fut au monde. Jamais ie ne la verray, iamais ie nen recouvreray une telle : ce mest une perte inestimable. O mon dieu, que te avoys ie faict pour ainsi me punir ? que ne menvoyas tu la mort a moy premier qua elle ? car vivre sans elle ne mest que languir ? Ha Badebec ma mignonne, ma mye, mon petit con (toutefois elle en avoyt bien trois arpens et deux sexterees) ma ten-