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— Pourquoi, demanda Panurge, les nouveaux mariés ? Des planteurs de vigne je suis trop vieux pour me soucier, j’acquiesce on[1] souci des vendangeurs, et les beaux bâtisseurs nouveaux de pierres mortes ne sont écrits en mon livre de vie. Je ne bâtis que pierres vives, ce sont hommes.

— Selon mon jugement, répondit Pantagruel, c’était afin que, pour la première année, ils jouissent de leurs amours à plaisir, vaquassent à production de lignage, et fissent provision d’héritiers. Ainsi, pour le moins, si l’année seconde étaient en guerre occis, leur nom et armes restât en leurs enfants. Aussi que leurs femmes on connût certainement être ou bréhaignes ou fécondes (car l’essai d’un an leur semblait suffisant, attendu la maturité de l’âge en laquelle ils faisaient noces), pour mieux, après le décès des maris premiers, les colloquer en secondes noces : les fécondes, à ceux qui voudraient multiplier en enfants, les bréhaignes, à ceux qui n’en appèteraient et les prendraient pour leurs vertus, savoir, bonnes grâces, seulement en consolation domestique et entretènement[2] de ménage.

— Les prêcheurs de Varennes, dit Panurge, détestent les secondes noces, comme folles et déshonnêtes.

— Elles sont, répondit Pantagruel, leurs fortes fièvres quartaines !

— Voire, dit Panurge, et à frère Engainant aussi, qui en plein sermon prêchant, à Parillé, et détestant les noces secondes, jurait et se donnait au plus vite diable d’enfer en cas que mieux n’aimât dépuceler cent filles que biscoter une veuve. Je trouve votre raison bonne et bien fondée. Mais que diriez-vous si cette exemption leur était octroyée pour raison que tout le décours[3] d’icelle prime année, ils auraient tant taloché[4] leurs amours de nouveau possédés (comme c’est l’équité et le devoir), et tant égoutté leurs vases spermatiques, qu’ils en restaient tous effilés, tous évirés[5], tous énervés et flétris ? Si que, advenant le jour de bataille, plutôt se mettraient au plongeon, comme canes, avec le bagage qu’avec les combattants et vaillants champions on lieu onquel par Enyo[6] est mû le hourd[7] et sont les coups départis, et sous l’étendard de Mars ne frapperaient coup qui vaille, car les grands coups auraient rué[8] sous les courtines de Vénus s’amie.

  1. Au.
  2. Entretien.
  3. Cours.
  4. Cogné à grands coups.
  5. Dévirilisés.
  6. Bellone.
  7. Choc.
  8. Frappé.