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aventure extraordinaire que j’eus rue Saint-Honoré, à vingt ans accomplis, en faisant mon droit.

J’étais voisin de vis-à-vis d’un vieil horloger qui avait une femme jeune et charmante ; c’était sa troisième ; la première l’avait rendu parfaitement heureux pendant douze ans : c’était une ivresse ; la deuxième durant dix-huit mois, à l’aide d’une sœur plus jeune par laquelle elle se faisait remplacer au lit dans ses moindres indispositions, pour que son mari ne foutît jamais avec dégoût. Cette excellente épouse ayant cessé de vivre, l’horloger, alors âgé de soixante ans, avait épousé la jolie et gracieuse Fidelette, putative d’un architecte et fille naturelle d’un marquis.

La beauté de cette troisième femme n’avait pas d’égale pour le moelleux et le provoquant. Son mari l’adorait, mais il n’était plus jeune ; cependant, comme il était riche, il lui prodiguait tout ce qu’elle pouvait désirer, mais il n’atteignait pas le but, et Fidelette était chaque jour plus triste. Cependant ce bon mari lui dit : « Mon ange, je t’adore, tu le sais ; cependant tu es triste, et je crains pour tes jours précieux ; tout ce que je te fais ne te flatte en rien, parle… c’est un ami tendre qui t’en conjure, dis-moi ce que tu désires… tout… tout ce qui sera en mon pouvoir te sera accordé… — Oh ! tout… dit la jeune femme. — Oui, tout… fût-ce… est-ce à ton cœur, est-ce à ton divin conin qu’il manque quelque chose ? — Tu remplis mon cœur, cher ami, mais j’ai des sens trop chauds, et quoique blonde cendrée, mon bijou a des démangeaisons terribles ! — T’est-il indifférent qui te satisfasse, ou as-tu un goût, un caprice ?… — Mais je