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» Le velu, en voyant onze femmes dans une maison, tressaillit d’aise. Il étala sa fortune et proposa d’épouser l’aînée. Trente mille francs de rente qu’il prouva (il en avait bien davantage) le firent accepter sur-le-champ ; il rendit ensuite des visites jusqu’au mariage et fit des présents, tant à sa prétendue qu’à la mère, aux belles-sœurs, à Lucie et Annette, les deux nièces, ainsi qu’à Géoline et Mariette, la femme de chambre et la cuisinière. Ce fut avec ces présents qu’il attaqua leur vertu.

» Mais il faut quelques préliminaires qui fassent mieux connaître ce personnage.

» Fysistère était un de ces hommes poilus qui descendent d’un mélange de notre espèce avec celle d’hommes à queue de l’isthme de Panama et de l’île Bornéo. Il était vigoureux comme dix hommes ordinaires, c’est-à-dire qu’il en aurait battu dix à armes égales, et qu’il lui fallait à lui seul autant de femmes qu’à dix hommes. À Paris, il avait acheté la femme d’un nommé Guac[ws 1], un scélérat qui la lui avait vendue et livrée. Fysistère la tenait exactement enfermée depuis ; il jouissait de cette infortunée, la plus provoquante des femmes et qui avait beaucoup de tempérament, dix à douze fois par jour, ce qui la fatiguait tellement qu’elle lui avait donné le conseil d’acheter de leur père sa sœur cadette, nommée Doucette, qui partagerait le travail. Il le fit, mais ces deux femmes avaient bientôt été sur les dents ; heureusement, un confesseur de nonnes découvrit alors pour le velu la religieuse hystérique, cousine des deux victimes ; il la tira de son couvent sous le prétexte d’aller aux eaux,

  1. Note de Wikisource : Guæ, dans l’édition originale de 1798.