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— III —

Moi, Jean-Pierre Linguet, maintenant détenu à la Conciergerie, déclare que je n’ai composé cet ouvrage que dans des vues utiles, etc. Floréal, an ii. » Remarquons en passant que Linguet ne s’appelait ni Jean ni Pierre, mais bien Simon-Nicolas-Henri.

Rétif a composé sans doute l’Anti-Justine à la casse, dans le silence de sa pauvre petite imprimerie. Quoi qu’il en dise, c’est une éruption de désirs odieux, où l’on trouve cyniquement dramatisés des épisodes de sa propre vie, obscènes suppléments à Monsieur Nicolas. Espérons, pour l’honneur de sa mémoire, que Rétif a rêvé la plupart des aventures où il se montre comme le héros ; c’est assez du reste son habitude, comme nous l’avons dit, de suppléer par l’imagination à la réalité. Mais n’allons pas plus loin : il est impossible de citer quatre lignes de ce livre. J’ai été pourtant heureux de trouver à la fin de la première partie ces mots, qui trahissent les inquiétudes de cet écrivain si monstrueusement naïf : « J’ai longtemps hésité si je publierais cet ouvrage posthume du trop fameux avocat Linguet. Tout considéré, le casement déjà commencé, j’ai résolu de ne tirer que quelques exemplaires, pour mettre deux ou trois amis éclairés et autant de femmes d’esprit à portée de juger sainement de son effet, et s’il ne fera pas autant de mal que l’œuvre infernale à laquelle on veut le faire servir de contre-poison. Jugez-le, mes amis, et craignez de m’induire en erreur. »

(Extrait de Rétif de la Bretonne, sa vie et ses amours, etc., par Charles Monselet, Paris, Alvarès fils, 1854.)