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— II —

moins partie de cet ouvrage a été imprimée, car j’ai eu entre les mains l’exemplaire dont je viens de transcrire le titre, exemplaire peut-être unique, et d’autant plus curieux qu’il contient des dessins originaux et deux feuilles en épreuves corrigées de la main même de Rétif.

L’avertissement, très singulier, renferme des passages tels que ceux-ci : « Quelle excuse peut se donner à lui-même l’homme qui publie un ouvrage tel que celui qu’on va lire ? J’en ai cent pour une. Un auteur doit avoir pour but le bonheur de ses lecteurs. Il n’est rien qui contribue autant au bonheur qu’une lecture agréable. Fontenelle disait : « Il n’est point de chagrin qui tienne contre une heure de lecture. » Or, de toutes les lectures, la plus entraînante est celle des ouvrages érotiques… Personne n’a été plus indigné que moi des ouvrages de l’infâme de Sades, que je lis dans ma prison (ne pas oublier que c’est Linguet qui parle ; étrange manie que celle d’attribuer ses ouvrages, et quels ouvrages ! aux célèbres personnages morts !). Ce scélérat ne présente les délices de l’amour qu’accompagnés de tourments, de la mort même. Mon but est de faire un livre plus savoureux que les siens, et que les épouses pourront faire lire à leurs maris ; un livre où les sens parleront au cœur, où le libertinage n’ait rien de cruel pour le sexe des grâces ; où l’amour, ramené à la nature, exempt de scrupules et de préjugés, ne présente que des images riantes et voluptueuses. » Quelques lignes plus loin, est cette déclaration surprenante du supposé Linguet : « Mauvais livre fait dans de bonnes vues.